Cette étude, publiée dans ‘Nature, Ecology & Evolution’, est le travail d’un consortium international porté notamment au CRBE par Jordi Salmona (chargé de recherche IRD) et Lounès Chikhi (directeur de recherche CNRS). Ce projet s’inscrit dans une dynamique de recherche sur la génétique des lémuriens à Madagascar, initiée et coordonnée par Lounès Chikhi depuis une vingtaine d’années. Cette étude a par ailleurs bénéficié de l’expertise d’Amaia Iribar et de Sophie Manzi de la plateforme Biologie Moléculaire et de Microbiologie du laboratoire.
Alors que la plus petite espèce de primate de notre planète – Microcebus berthae – est suspectée de disparition et que les forêts de Madagascar subissent des pressions anthropiques préoccupantes, un consortium de scientifiques d’institutions européennes, nord-américaines et malgaches vient de faire la lumière sur la diversité de ces tout petits lémuriens, les microcèbes. En s’appuyant sur les données de plus de 20 institutions collectées sur plus de cinq décennies dans les forêts malgaches, l’équipe internationale a développé une approche taxonomique capable de débusquer les espèces… qui n’en sont pas. En effet, ces lémuriens sont nocturnes et dotés de couleurs sobres, ce qui les rend difficiles à distinguer les uns des autres. Leur diversité a donc été longuement ignorée jusqu’à ce que la génétique s’en mêle et que les zoologistes proposent jusqu’à 26 espèces. L’analyse réalisée a finalement conduit les auteurs à regrouper sept d’entre elles qui n’étaient que des populations d’une même espèce, dispersées dans des sites différents.
La surestimation ou la sous-estimation du nombre d’espèces est potentiellement un frein à l’efficacité des mesures de protection de celles qui sont menacées. Ce travail offre à la fois un cadre rigoureux d’identification des espèces, un regard sur l’évolution complexe des lémuriens et propose une vision d’ensemble pour la protection de ce genre de primates, prenant en compte leur diversité intraspécifique.
Unes des innovations de ce travail est de combiner les données génomiques aux distances géographiques, pour démasquer les espèces qui n’en sont pas. Cette astuce simple et efficace promet des applications à de nombreuses autres espèces à travers le globe, lorsque leur diversité est controversée. Encore faut-il disposer d’un jeu de données suffisant, obtenu ici grâce à une exceptionnelle mise en commun.
Source : IRD le Mag’
Tobias van Elst, Gabriele M. Sgarlata, Dominik Schüßler, George P. Tiley, Jelmer W. Poelstra, Marina Scheumann, Marina B. Blanco, Isa G. Aleixo-Pais, Mamy Rina Evasoa, Jörg U. Ganzhorn, Steven M. Goodman, Alida F. Hasiniaina, Daniel Hending, Paul A. Hohenlohe, Mohamed T. Ibouroi, Amaia Iribar, Fabien Jan, Peter M. Kappeler, Barbara Le Pors, Sophie Manzi, Gillian Olivieri, Ando N. Rakotonanahary, S. Jacques Rakotondranary, Romule Rakotondravony, José M. Ralison, J. Freddy Ranaivoarisoa, Blanchard Randrianambinina, Rodin M. Rasoloarison, Solofonirina Rasoloharijaona, Emmanuel Rasolondraibe, Helena Teixeira, John R. Zaonarivelo, Edward E. Louis Jr., Anne D. Yoder, Lounès Chikhi, Ute Radespiel & Jordi Salmona, Integrative taxonomy clarifies the evolution of a cryptic primate clade, Nature Ecology & Evolution, 27 septembre 2024 ; https://doi.org/10.1038/s41559-024-02547-w
Contacts science au CRBE :
Lounès Chikhi
Directeur de recherche CNRS
lounes.chikhi@univ-tlse3.fr
Jordi Salmona
Chargé de recherche IRD
jordi.salmona@ird.fr
Voici le court article “News & views” écrit par Mitchell Irwin et qui met en lumière l’intérêt de papier de nos collègues du CRBE aux yeux d’un primatologue spécialiste de l’écologie et du comportement des lémuriens.
Irwin, M. 2024. Species stabilization for mouse lemurs. Nature Ecology & Evolution, 1-2. https://doi.org/10.1038/s41559-024-02549-8