Frênes, lilas, troènes, jasmins, oliviers… l’inédit système de reproduction des Oléacées décrypté !

Ce travail sur l’auto-incompatibilité des Oléacées résulte de divers travaux menés au CRBE, en particulier dans le cadre de la thèse de Pauline Raimondeau et du master 2 de Sayam Ksouda. Cette étude a aussi impliqué Anne-Laure Fuchs, Hervé Gryta, Julia Dupin, Sophie Manzi, Aurore Puyoou, et Jérôme Chave (DEEP), et a été supervisée par Guillaume Besnard (PRADA).

Pour éviter la consanguinité, les plantes de la famille des Oléacées utilisent un système génétique inhabituel définissant deux uniques groupes de compatibilité. Ses bases génomiques et moléculaires viennent d’être identifiées par deux équipes CNRS associées aux universités de Toulouse et de Lille. Publiées conjointement dans la revue Current Biology du 15 avril 2024, leurs études ouvrent la voie à une meilleure compréhension de l’évolution des stratégies de reproduction des plantes et devraient permettre un meilleur contrôle de la pollinisation des oliviers.

Alors que de nombreuses espèces végétales sont hermaphrodites, il est commun qu’elles possèdent des mécanismes dits d’auto-incompatibilité limitant l’auto-fécondation. Ces systèmes sont essentiels pour la reproduction des espèces aussi bien sauvages que cultivées en maintenant une diversité génétique et une valeur qualitative et la quantitative de production de fruits et de graines. Dans la majorité des espèces cependant, les bases génétiques et moléculaires de l’auto-incompatibilité restent largement, voire totalement, inconnues. Les travaux antérieurs du laboratoire lillois Evolution-Ecologie-Paléontologie (CNRS-Université de Lille) ont permis de déterminer que chez de nombreuses Oléacées (dont l’olivier, les filaires, troènes et frênes), les compatibilités de croisement reposent sur un système très particulier comportant seulement deux groupes de compatibilité (contrairement aux systèmes très diversifiés décrits dans la plupart des autres familles). Ceci implique que chaque individu d’une espèce donnée ne peut se croiser qu’avec la moitié de ses congénères.

Parallèlement, des chercheurs du laboratoire (CRBE) ont confirmé l’existence de ce système chez l’olivier sauvage. De plus, ils ont montré que chez une espèce de jasmin, dite distyle, chaque groupe de compatibilité est associé à une différenciation des pièces florales, avec des fleurs soit longistyles (style long et étamines courtes), soit brévistyles (style court et étamines longues).

Figure 1 : Inflorescences des variétés d’olivier "Picholine du Languedoc" (gauche) et "Amellau" (droite). © H. Lasserre (France Olive)

Au cours de la présente nouvelle étude, les chercheurs ont combiné des approches d’assemblage de génome, de transcriptomique, de cartographie génétique, de phénotypage et de phylogénie. Leurs résultats démontrent que les compatibilités de croisement sont contrôlées par une petite région génomique (ou locus S) héritée d’un ancêtre commun de la famille, il y a plus de 50 millions d’années. Cependant, celle-ci n’est portée que par un seul des deux groupes, en une seule copie (dite « hémizygote »), comme ce qui a été observé chez les espèces distyles de diverses familles, par exemple les Primulacées (primevères) qui avaient fasciné Darwin en son temps. L’analyse des gènes du locus S suggèrent que l’ancêtre des Oléacées pourrait avoir été distyle, mais que ce trait aurait été perdu dans une lignée précoce ayant mené notamment à l’olivier. Par ailleurs, leurs expériences montrent que les réactions d’incompatibilité des Oléacées seraient contrôlées par des gibbérellines, un type d’hormones végétales, ce qui n’avait été montré à ce jour dans aucune autre famille de plantes.

Ces travaux ont déjà abouti, en partenariat avec l’association des producteurs français d’olives (France Olive), au développement de tests génétiques chez l’ensemble des espèces étudiées pour déterminer rapidement les compatibilités entre individus. A court terme, ceux-ci permettront de mieux agencer spatialement les arbres dans les vergers afin d’optimiser la pollinisation, et de maximiser la production de fruits des variétés cultivées d’olivier. Plus largement, ils ouvrent des perspectives passionnantes pour éclairer d’un jour nouveau différents aspects fondamentaux de l’origine et de la diversité des systèmes de reproduction sexuée.

Références

 

Source : site Écologie et environnement du CNRS

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